Je suis partie aujourd’hui
Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
Franca Maï : Fleurs vénéneuses extrait Crescendo (vidéo)
Soyons clair ! Toute complaisance, signe des temps, dernier soubresaut d’un microcosme agonisant, on ne saurait se trouver envers les romans de Franca Maï, souvent critiqués, bien souvent ignorés d’une presse « officielle ». Et cela s’expliquerait sûrement par l’absence de complaisance dont ils font montre eux-mêmes.
Envers un monde perverti par la méchanceté infra-humaine.
Le dernier roman de Franca Maï, L’Amour Carnassier, débute dans un hameau de 15 maisons. Un hameau qui vomit de la vie. Ça y transpire. Ça y parle. Ça y enterre ou ça y crache ses sales secrets. Et c’est d’abord un personnage qui prend la parole. Lou Strella. Presque un personnage de film. Quatorze printemps. Comme nombre de ses personnages féminins, assez jeunes, Lou est une gamine qui pétille d’intelligence.
Placer au milieu des ploucs, des sans-grade, des aigre-fins, des mal-partis, un personnage central, fin, utile, et plutôt doué pour mettre à jour, contre la bien-pensance, la matrice, et, par là même, redonner à ce monde chaotique, un monceau d’espoir. Espoir utopique.
Dans un monde où la pornographie devient l’ambiance générale, où le voyeurisme s’exhibe déculpabilisé, la brèche cachée du mur par laquelle, les yeux de Lou aperçoivent les destinées qui se délient, pourrait nous sembler trop cruellement familier, un brin éculé, trop banalement ordinaire. Non ! Il n’en est rien ! Ce qu’observe Lou, bouche cousue, ce sont les différents occupants. « Curieusement, les habitants se fréquentaient à peine comme si le choix de ce trou perdu recelait une vie de s’emmurer et de refuser tout contact avec l’espèce humaine. »
Dans ce magma humain, trop peu humain, l’homme s’effritant dans son incapacité quasi-sociale à rentrer en contact avec ses congénères, un être, plus doux, plus sensible, plus blessé peut-être que tous les autres, cherche une lumière. Cette lumière, comme dans tous les romans de Maï, se trouve auprès d’une adolescente, nourrie jeune au lait de l’empathie.
Elle commence par observer un couple : Fana et Manuelo. Lumineux, solaire, acharné, vampire, ce couple, à l’image de l’amour moderne, s’aime, se baise, se phagocyte, se vampirise. S’alimente de la chair. Carnassier sera cet amour. A l’instar du titre même du roman. Quelques lecteurs, un peu trop abonnés à de magazines comme Gala, j’imagine, sont allés, curieusement, voir en Franca Maï ce que justement elle n’était pas, oubliant de l’observer telle qu’elle était, la définissant d’ores et déjà comme une « vénus » littéraire, alors qu’elle persiste à se faire « cruella » littéraire, en réaction contre toute la littérature de pacotille qui inonde, comme une diarrhée malsaine, les librairies.
Car la société de consommation, libérale à outrance, dans sa posture carnassière outrée, absorbe la chair, réduit l’homme à la posture animale et absous l’humain, pour transformer chaque corps en une machine de guerre et de lutte de tous contre tous. Bienvenu dans le roman moderne « ultra-violent ».
Cela fait longtemps que la littérature du XXe siècle connaît. Ellroy, Ellis, McCarthy. Les américains, grands critiques de la société libérale, post-humaniste, la connaissent d’ailleurs mieux que personne. Dans un style personnel, Franca Maï n’a de cesse de dénoncer la cruauté d’un monde qui l’environne et qui la révolte. Cri de révolte plus que roman. Long poème sur le thème de l’amour impossible. Ou possible dans sa forme la plus utopique. L’amour du couple lumineux, à l’instar de Tristan et Iseult, ne saura survivre au monde postmoderne, et s’éteindra dans le sang. Comme si l’on ne pouvait s’aimer que par-delà bien et mal. Comme si l’amour, ici, façonné par toute la littérature médiévale et romantique dix-neuvièmiste, n’aurait pu être autre que fondé sur le mode de la passion, cette folie humaine, dans laquelle s’absout toute raison. Les amants aiment aimer. Mais ne s’aiment pas.
A la mort des amants, les yeux de Lou continuent de balayer les hameaux, et rencontrent Ingrid Ziegerman, vieille dame rescapée des camps de la mort. Une autre histoire de mort. Celle d’une femme que la société veut écarter. Trop âgée ? Trop dérangeante ? Trop... humaine ? Dans les courts récits de Franca Maï qui se juxtaposent comme des pièces à la fois banales et silencieuses, le puzzle nous parle du monde des hommes désunis, éternellement fous et prédateurs, dont l’âme saigne bien souvent. La passion de l’amour signifie un malheur. La foudre antisémite fut ce malheur. Un malheur que l’humanité entière, l’humanité occidentale bien sûr, porte dans sa mémoire. Mémoire de la Shoah dont elle voudrait s’arracher.
La particularité des personnages de Franca Maï réside dans cette curieuse façon de trouver leur épaisseur dans ce que la plume de l’auteur ne décrit pas mais suggère à travers leurs rancœurs, leurs colères, leurs désespoirs, leurs folies, leurs violences, leur sauvagerie, leur désarroi, leurs révoltes. Chaque personnage noue le récit qui s’imbrique dans un processus dont l’objet final est la liberté.
Souvent l’acte est impossible. De cette impossibilité, la liberté transpire. La violence, la souffrance, l’inhumanité ne sont pas irréversibles. Il y a toujours, chez Franca Maï, une possibilité de rédemption. Cette rédemption, on a souvent l’impression qu’elle n’y croit pas en ce qui concerne notre propre réalité socio-économique. Notre réalité quotidienne. Qu’elle s’acharne à défaire, contester, dynamiter par le fil du récit. Les personnages de Franca Maï sont souvent des justiciers meurtriers. Ici Lou, à l’instar de Mata, dans deux de ses précédents romans, assumera cette justice, comme si elle pouvait se substituer à Dieu lui-même, ce grand horloger censé rendre, dans un acte libératoire et définitif, son jugement dernier.
Dès lors, dans un monde qui ne se préoccupe ni de la justice, ni de la morale, où seuls règnent l’argent et les relations de pouvoir, voire de forces, l’acte presque suicidaire, véritable chant du cygne sur fond de carnage, de l’héroïne confine à la violence devenue, dans sa vengeance angélique, quasi-aveugle. C’est à la fois la force et la faiblesse même de chaque récit de l’auteur qui ne semble, dans sa vision troublante de l’ordre du monde, ne trouver d’autres issues que le massacre collectif. On ne saisit alors pas trop bien quelle différence de degré l’on pourrait dès lors trouver entre une Lou qui tue par vengeance, - ou ressentiment -, déçue par un grand nombres de ses contemporains, et la mise à mort des juifs, considérés, dans leur grande folie, par les nazis, comme des sous-humains auxquels on préférait les sur-humains -qui n’existèrent d’ailleurs jamais !
Dans sa propre folie hystérique, Lou rencontrera un homme « aux yeux délavés » avec lequel elle construira une autre utopie, telle que l’histoire en a tant connue.
Ici la libération se joue sur le mode d’une utopie forte de la liberté et de l’amour qui viendraient, enfin, délivrer Lou du mal, et avec elle, les autres, marginaux, philosophes, précaires, immigrés, jeunes, bébés etc., dans un hameau, où ne règnent ni la corruption par l’agent, ni l’avidité, ni la méchanceté, ni la violence. Ce sont les « prés du bonheur ». Charmante utopie que les protagonistes sont prêts à défendre par les armes et la violence si l’on tenterait de venir les déloger de leur « havre de paix ». Faute de pouvoir boucler la boucle, la spirale de la violence infernale, une violence moins sociétale qu’humaine, -l’homme congénitalement méchant !- peut recommencer à tout moment.
La lecture à peine achevée, un terrible sentiment de tristesse et d’impuissance nous étreint. Certes, par ce sentiment, nous ressentons l’échec même de sa volonté de nous délivrer du mal. Comme si la délivrance n’était pas possible.
A peine quelques lignes bien souvent, quelques pages, et Franca Maï dynamitent notre monde et notre époque, sans jamais parvenir à la moindre sérénité. Cherchant à construire un roman épris de liberté et d’utopie, elle n’a pas bâti une nouvelle aube, mais un autre enfer, à l’instar de toutes les utopies précédentes, comme celle du génocide juifs, voulant par la mise à mort de l’humanité la réinventer. Echec monumental qui réside dans le mot même du titre « carnassier ». Cet amour vibrant, humain, est encore celui de l’homme qui veut se faire dieu sur terre, au centre de la nature, en annexant les lois organiques, sans jamais parvenir à vraiment les transformer pour les transcender.
Dans ce hameau de paix, on y réinvente la liberté, la fraternité et l’égalité, mais on les fonde sur la base même du déni : déni de l’autre. L’autre : « l’étranger » . Ce sera l’alternative. Mais une alternative qui se voudra, dans sa dimension paradoxale, meurtrière :
Alors que tout l’effort de Maï résidait dans cette volonté de démontrer qu’une société alternative pouvait exister ou co-exister à côté d’une autre dont la violence s’est faite reine sans partage, la chute même de son roman, et ses mots mêmes, comme si elle ne croyait pas elle-même en son utopie, viennent cruellement démontrer le contraire, jusque dans la violence, la folie ou la douleur de ses personnages. Les amants carnivores. La vieille Ingrid rescapée de la plus grande folie utopique de l’histoire. Lou et sa dérive meurtrière.
En ce sens, et à l’instar, de tous ses précédents romans, je vois en l’œuvre de Franca Maï cet aveu, par la violence même de son style saccagé, imprécateur, sec, et par l’extraordinaire brutalité des sujets qu’elle traite, de toute rédemption impossible, de toute issue illusoire. Le désenchantement même de cette nouvelle utopie aux accents guerriers, certes sous-jacents, achève de nous convaincre, dans les dernières pages, que la chaleur humaine n’est qu’une illusion romanesque, à peine saurait-elle se trouver dans une autre forme d’existence que cette existence sociale recomposée. Et dans le titre même de ce roman-puzzle, outré de ses illusions, nous trouvons toute la substance mortifère des relations entre chacun : l’amour carnassier ou l’« amour-vampire ». Volonté démoniaque, stérile, impuissante, de réduire l’humanité à sa propre dimension misérablement humaine.
N’est-ce pas là, dans cette volition aux résonances profondes, ravageuses, que nous retrouvons la conscience occidentale, puisant toute son inspiration dans l’amour et la mort, puisque l’amour bienheureux serait, à l’instar de la plate campagne qui inspirerait à Lou l’envie de se suicider pour la rendre étincelante , sans histoire ?
Dans sa face cachée, l’occident est par là condamné à sa propre perdition.
Marc Alpozzo
source :
BOOJUM
Dans les meilleures librairies dès le jeudi 10 Janvier 2008
Rentrée littéraire
Dans certains hameaux, les demeures parlent, respirent, transpirent, enterrent ou crachent leurs sales secrets. Du haut de ses quatorze ans, Lou Strella, bouche cousue, observe les différents occupants. Elle vit au rythme de l’amour carnassier de Fana et Manuelo, un couple lumineux, et s’oxygène chez Ingrid Ziegerman, une vieille dame dynamique, rescapée de la Shoah. Tous les soirs, elle rejoint la maison de ses parents en imaginant d’autres horizons. Elle ne mesure pas encore l’influence inoculée par les pierres.
Mais sait-on entendre leurs larmes silencieuses ?
Lou Strella découvre la brèche cachée du mur et vit sa destinée, éternellement en fugue, jusqu’au jour où son regard croise un homme aux yeux bleu délavé.
Ensemble, ils vont défricher l’utopie. Maisons ouvertes, le sourire aux dents. Puisque la liberté est un mot à réinventer chaque aube.
Franca Maï a écrit avec L’Amour carnassier le roman de sa maturité littéraire, où la violence se fait amour.
L’Amour Carnassier
roman de Franca Maï
ISBN n° 978 2 7491 0972 5
204 pages 14 x 21,
14 € ttc France (2008)
Egalement sur la toile chez :
Amazon.fr
Fnac.com
Aligastore.com
etc...etc...
Illustration Couverture : tRioL/ Le joujou Rouge
Site de la romancière Franca Maï
Autant qu’on considère l’existence comme un miracle à la vie, le désir pour les femmes ne s’est jamais tarie. Depuis lors de grands efforts ont été entrepris pour l’anéantissement de la conscience de ce miracle et le désir qui lui est concomittant, libre, sensible, intime, est l’objet de toutes les agressions, spectaculaire, bureaucratiques et terroristes, au sens où ces attaques le plus souvent transversales, donnent passagèrement aux terroristes du quotidien l’illusion de se maintenir une liberté, déjà très contrainte, en détruisant celle de l’autre. La complicité des terroristes du quotidien leur donne l’illusion d’un lien social par la discrimination et la stigmatisation d’une cible commune. On se reconnaît ainsi, comme étant du même bord. Mais c’est illusoire et provisoire. Quand il n’y aura plus de cibles communes il conviendra d’en chercher d’autres et celles-là se trouveront parmi les terroristes du quotidien, alimentant la suspicion et la méfiance de chacun.
Les terroristes étant les alliés objectifs de l’Etat. C’est un néo-fascisme qui est à l’oeuvre.
Il n’y a pas l’once d’une leçon là-dedans. Il s’agit lorsqu’elle n’est pas rendue intolérable d’user encore tant qu’il se peut de l’expression et de sa liberté
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